Quand un entrainement est interrompu... { Amélie Deliliah

Jazz contemplait le reflet du coucher de soleil sur la mer. Les vagues produisaient un mouvement harmonieux sur la lumière orangée. Elle aimait beaucoup ces moments de calme et de paix, où elle s’allongeait sur le sable, à proximité de l’eau, pour sentir l’écume venir lui chatouiller le bras. A cette heure-là, elle pouvait être certaine qu’aucun élève ne viendra troubler son moment de paix. La plupart de ses camarades de sexe féminin étaient rentrées au dortoir pour se remaquiller et changer de tenue. Jazz préférait utiliser ce moment pour se détendre, être en contact de son élément et aussi en profiter pour s’entrainer. Et comme à son habitude, la jeune fille retardait au maximum ce moment, car après une journée de cours, se reposer est ce qui l’importe le plus. Mais c’est sans compter Iseult, qui participe également à l’entrainement. Elle se jeta sur le visage de Jazz et la foudroya du regard. Sa pauvre victime se releva sans grande conviction et se retira lentement les grains de sable de sa chevelure aux tons roses, histoire d’exaspérer au plus Iseult. Celle-ci ayant deviné l’intention de vengeance de la jeune fille patienta calmement, non sans transpercer du regard sa maîtresse cependant.

« Tu es prête Iseult ? C’est parti pour l’entrainement ! »

Jazz avait retrouvé sa joie et son dynamisme, au grand bonheur du serpent. La jeune fille présenta sa main et se concentra sur elle. Rapidement, elle s’humidifia et bientôt un véritable jet de fontaine en sortit, arrosant le t-shirt de Jazz et tout son corps. Elle pensa, le sourire aux lèvres, que les lutins pervers auraient vraiment adoré ce spectacle, ainsi que bien entendu toute la gent masculine du pensionnat. Elle se félicita intérieurement d’avoir pris ce lieu dénué de lutins pervers, et d’avoir choisit cette heure précise où elle pouvait être sure qu’aucun mâle ne se tiendrait aux environs. Son regard se posa alors sur Iseult, qui était sans doute amusée par l’échec de sa compagne. Jazz fit immédiatement un autre essai, et cette fois-ci l’eau jaillissait droite. Fière d’elle, Jazz dirigea sa main vers le sable. Elle pouvait le voir avaler l’eau et observait avec intérêt le sable voler dans tout les sens, y compris dans les yeux d’Iseult qui poussa un grognement de protestation. Aussitôt, Jazz s’excusa mais cela aurait pu avoir l’air plus sincère si elle ne se tenait pas les côtes tellement elle riait. Iseult, pour la troisième fois au moins, jeta un regard assassin à Jazz et cette fois-ci elle ouvra sa gueule en même temps, pas pour la menacer mais pour commencer sa part de l’entrainement.

Une longue liane en sortit, et elle frappa l’air avec un sifflement effrayant, et Jazz déglutit malgré elle. Elle savait que jamais Iseult ne s’en servirait contre elle, mais à chaque entrainement sa réaction était la même. Et cette peur renforçait ses défenses. Car oui, cette partie là de l’entrainement lui servait surtout pour améliorer le bouclier dont elle usait pour se protéger des attaques des autres. La jeune fille fit alors apparaitre le bouclier d’eau autour d’elle et d’un hochement de tête, elle prévint Iseult qu’elle pouvait commencer. Celle-ci envoya alors la liane vers Jazz. Si elle arrivait à déchirer l’écoulement d’eau, il se renouvelait rapidement, repoussant la liane dehors. Iseult ravala alors la liane, puis en fit ressortir une nouvelle, plus grosse encore et aussi plus rapide. Même si elle avait quelques difficultés, elle pouvait quand même atteindre la jeune fille avec. Jazz comprit l’invitation à utiliser un autre de ses pouvoirs. Elle changea son bouclier d’eau en glace. Mais cette glace avait plusieurs couches très épaisses, et ça avait l’air d’être impossible à briser. Iseult fit néanmoins plusieurs essais pour rassurer sa maîtresse sur l’efficacité de ses protections, puis devant son échec elle abdiqua. Jazz sourit et recommença à s’entrainer avec son jet d’eau, qu’elle changea en glace pour envoyer plusieurs pics menaçant sur un palmier à proximité. Elle améliorait sa technique quand elle entendit quelques pas étouffés par le sable. Elle pivota sur elle-même pour assister à la venue de cet intru.

Jazz vit que finalement, l’intrus n’était qu’une jeune élève. Si elle avait bien envie de continuer son entrainement, elle ne put s’empêcher de vouloir comprendre pourquoi la jeune fille venait sur sa plage, à cette heure où pourtant très peu d’élèves se promenaient dans les environs. Elle haussa les épaules. Elle commençait à penser comme Iseult. Cela lui faisait plaisir, tout de même, que d’autres élèves ont ce besoin de venir ici pour se détendre. Elle fit alors un simple mouvement de main à Iseult, qui signifiait que l’entrainement était arrêté, et se replongea dans l’analyse de l’inconnue. Celle-ci était plutôt jolie, ses traits étaient délicats et sa crinière de couleur châtain était belle et semblait soyeuse. Mais son visage n’avait pas la même expression détendue que l’observatrice, au contraire ! Elle avait une expression de colère plaquée sur la face et elle faisait voler le sable de coups de pieds. Jazz en conclut que l’intruse était en colère, et curieuse, elle l’observa s’assoir face à la mer. Iseult quant à elle, silencieuse et méfiante, regardait l’élève d’un mauvais œil, et sa maîtresse avait l’impression que le serpent pouvait à tout moment attaquer l’élève, et elle n’avait surement pas tort. L’intruse commença à s’adresser à la mer, et Jazz put constater que sa rage fondit rapidement, laissant place à une tristesse. La jeune fille se leva alors, pour aller parler à cette inconnue qui avait piqué sa curiosité. Elle entendit, en s’approchant, une autre phrase que l’autre élève laissa échapper. Des morts sur la conscience ? Iseult regarda d’un œil encore plus méfiant celle qu’elle considérait toujours comme une intruse, et sa maîtresse, quant à elle, avait de plus en plus envie de parler à cette personne intrigante.

Cette dernière fit apparaitre un nuage de couleur sombre, et Jazz devina alors que son élément était surement la foudre, car la couleur sombre du nuage ne laissait aucun doute. Elle était à présent derrière l’élève, et écouta sa phrase, prononcée d’un ton qui laissait penser que l’état de la jeune fille était plus triste encore qu’auparavant. C'était un si joli spectacle, songea Jazz, en admirant le nuage fuir, comme l’avait dit l’élève. Jazz ne put s’empêcher d’être gagnée elle aussi par cette étrange mélancolie, et à son tour elle se laissa tomber sur le sable doré, qu’elle caressa du dos de la main. Et elle resta figée dans cette position pendant une dizaine de secondes, observant le nuage partir, protester contre les vagues qui menacent de le renvoyer à sa créatrice. Jazz se retourna alors vers celle qui avait totalement conquis sa curiosité en ce moment, et lui murmura :

« Beau spectacle…. N’est-ce pas ? Hum.... Je m'appelle Jazz. »